Icare, Phaéton, Bellérophon

 

 

 

Icare

IcareFils de Dédale, le merveilleux architecte du Labyrinthe, peut-être Icare s'est-il cru prémuni pour toujours contre le labyrinthe de la vie ? Peut être a-t-il cru de bonne foi, la bonne foi de la déraison, qu'il pouvait faire n'importe quoi...
Comme voler, par exemple, et jusqu'au soleil encore ! Voici le détail de l'histoire: le labyrinthe construit par Dédale se trouve en Crète où règne le roi Minos. Minos veut garder Dédale et son fils prisonniers dans l'île et pour qu'ils ne puissent s'échapper par la mer, il a fait enlever tous les bateaux des ports. Mais quand on a imaginé un labyrinthe comme Dédale, et qu'on l'a réalisé, on n'est pas à court d'idées! La mer est interdite ? Il reste les airs.

Et Dédale fabrique des ailes. Deux paires d'ailes, une pour lui, une pour son fils Icare. Il coud ensemble les plus grandes, celles qui partent des omoplates, et il soude simplement les plus légères avec de la cire. Tout en fixant les ailes d'Icare, Dédale lui recommande de ne surtout pas voler trop haut: en s'approchant du soleil, il risque de faire fondre la cire.

Ils s'envolent... L'air est pur, bleu, on respire la transparence et la transparence a goût de fumée. Dédale et Icare voient passer au-dessous d'eux les dernières petites maisons blanches de la Crète, au loin le palais de Minos, roc d'ivoire. Ivre de liberté, saoul d'air , Icare vole maintenant bien au dessus de la mer qui brille comme un bouclier, bien au-dessus des grands oiseaux planeurs, bien au-dessus du vent qui couvre les appels de son père... Toujours plus haut, toujours plus haut! Il ne peut s'arrêter, il ne peut pas s'empêcher d'aller plus haut. Il s'approche du soleil. Pourquoi se prend-il pour un oiseau ? Mais les oiseaux, eux, ont les pieds sur terre... Ils ne montent jamais si haut.

Il se prend pour un dieu. Cela, aucun dieu jamais ne l'a accepté, ni jamais ne l'acceptera. La cire de ses petites ailes commence à fondre. Icare ne sent rien, même pas la chaleur sur son dos, même pas la brûlure de la cire en fusion. Oui, les ailes fondent. Ébloui encore, Icare ferme les yeux d'ivresse, son cœur va éclater de bonheur ...Il tombe.

Il rêvait, Icare. " Tu rêves, mon fils! " lui criait peut-être Dédale depuis longtemps. Et au plus fort de son rêve, porté au plus haut par son désir, la réalité le fait lâcher prise et tomber. Chute atroce sur un sol sans pitié. Sa réalité à lui a nom " soleil ", son sol s'appelle " mer ". Icare s'enfonce dans une gerbe blanche. Et la mer est sa mort.

 

 

Phaéton et le char d'Hélios

PhaétonPhaéton est le fils d'Hélios, le Soleil. Mais il vit sur la terre parce que sa mère est une mortelle, et quand il dit qu'il est le fils du Soleil, personne ne le croit. Un jour, il en a assez. Il veut voir de ses yeux son très fameux père, c'est-à-dire le voir de près, dans toute sa simplicité. Phaéton se rend à pied chez Hélios. Au palais d'Hélios, il n'y a qu'une seule heure, midi. Le crépuscule n'ombre jamais les murs ,La nuit n'existe pas. Merveille que ce palais! Eblouissement !

L'or brille si fort, l'ivoire étincelle si puissamment, les joyaux rutilent de tant de feux que Phaéton se cache les yeux et recule... Pour un peu, il ferait demi-tour, quand une voix de tonnerre se fait entendre: " Tu es là, Phaéton! Que veux tu ? " A ces mots, Phaéton tressaille d'émotion, de crainte, mais aussi d'orgueil. Ce tonnerre, c'est son père! Le Soleil en personne! Alors, dans l'éblouissement orangé de ses paupières fermées, Phaéton ose demander: " Es-tu bien mon père ". Hélios part d'un grand rire et puis il dit: " Veux tu une preuve ? Exprime un souhait, je te l'accorde! " Osera-t-il, Phaéton, en cet instant, dire tout haut l'incroyable pensée qui l'assaille, le souhait insensé qui le saisit tout entier ? Il ose, il le murmure : " Mon père, laisse-moi, pour un jour seulement, conduire ton char à travers le ciel! "

Le Soleil a, si l'on peut dire, un haut-le-corps... Il ne s'attendait pas vraiment à cette demande, et pour dire la vérité, il est plutôt ennuyé. Mais il a promis... Et il faut se décider vite. Le temps presse, le temps piaffe, les chevaux hennissent. Déjà les portes de l'Est s'empourprent. L'Aurore arrive, i faut partir. Phaéton saute sur le char , prend les longues rênes, heureux et fier. Il va leur montrer, sur la terre... Et les chevaux s'élancent dans le ciel, tellement rapides que bientôt leurs sabots foulent les derniers nuages de la nuit. Et le char monte, monte. Phaéton est ivre d'air, de gloire, de vitesse, de puissance. Il conduit le char du Soleil! Il se croit le maître du jour !

Mais soudain, tout bascule. Les chevaux s'emportent, ils accélèrent, prennent le mors aux dents et s'écartent de leur course habituelle. Ils ont reconnu que la main qui les conduit n'est pas celle de leur Maître et ils n'obéissent plus à Phaéton. Et voilà le char qui déraille, qui bondit à travers le ciel, heurte la constellation du Cancer , évite de justesse la collision avec le Lion, bouscule la Vierge... Phaéton s'affole, s'affale sur le siège, paralysé de terreur. C'est le signal d'une course encore plus folle. Cette fois, les chevaux plongent vers la terre, ils touchent presque les montagnes, de leurs sabots de feu. Et les plaines s'embrasent, les vallées ne sont plus qu'une buée. Bientôt, les forêts sont en flammes, le char du Soleil glisse comme un traîneau fou juste au dessus
de la terre qui se transforme en brasier .

La Terre-Mère pousse un long cri de détresse. Zeus en a assez vu. Il faut faire vite. Il saisit sa foudre et la jette sur Phaéton, pauvre conducteur étourdi et repentant... Il le tue, fracassant le char et précipitant les chevaux affolés dans la mer. Tout en feu, Phaéton tombe à travers l'espace jusqu'à la terre.

 

 

Pégase et Bellérophon

Au moment où commence cette histoire, Bellérophon n'a eu que des malheurs. Il a dû quitter sa ville natale, Corinthe, parce qu'il y avait tué successivement son meilleur ami et son frère. S'étant réfugié auprès de Proetos, roi de Tirynthe, une nouvelle malchance s'abat sur lui: la femme de Proetos tombe amoureuse de lui. Fou de rage, Proetos envoie Bellérophon chez Iobates, avec ordre de tuer la terrible Chimère...

La Chimère est un monstre épouvantable à tête de lion, à corps de chèvre et à queue de dragon et qui souffle le feu. Avant d'entreprendre cette tâche, Bellérophon consulte un devin qui lui dit : " Ta seule chance, c'est Pégase! " Pégase, le merveilleux coursier ailé! Pégase est d'un blanc de lait, ses sabots sont si fins qu'on dirait des croissants de lune, et il a deux ailes prodigieuses, qui lui permettent de sillonner le ciel. Capturer Pégase, le cheval indomptable, Bellérophon le veut et le fera.

Dans la nuit, Athéna lui apparaît en songe, elle lui tend un mors en or, un mors magique, il réussira. Bellérophon trouve le cheval en train de boire à une source sur l'Acropole de Corinthe. Il s'approche. Le cheval ne bouge pas. Il tourne sa belle tête blanche vers Bellérophon, entrouvre sa bouche pour laisser glisser le mors. Le charme d'Athéna opère. Bellérophon est maître de cette pure merveille. Et les voilà qui s'envolent, magnifiques dans l'azur .I1s arrivent à la Chimère qui crache tout son feu mais ne les atteint pas. Bellérophon crible la Chimère de mille flèches, puis il fonce sur elle et lui enfonce entre les mâchoires un morceau de plomb qu'il a fixé à la pointe de sa lance. Le souffle de feu de la Chimère fait fondre le plomb qui coule dans l'horrible bête.

Bellérophon aurait pu se contenter de cette gloire. Mais non, les hommes veulent toujours aller plus loin. Bellérophon a voulu garder Pégase pour lui et monter vers l'Olympe comme les dieux immortels! Pour le punir de son insolence, Zeus envoie un taon monstrueux qui pique cruellement le pauvre Pé9ase. Pégase rue de douleur et Bellérophon est précipité à terre où il se ramasse durement dans un buisson d'épines. L'histoire se finit ainsi, sans monture, sans panache. Maintenant, Bellérophon erre tristement... A pied.