Bertrand du Guesclin
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Au service du roi
Jean le Bon, il attaque et rançonne les Anglais qui s'aventurent dans
la forêt de Brocéliande, en Bretagne du Nord. La guerre de Cent Ans vient
de commencer. Bertrand réinvente le harcèlement des troupes par ruses et subterfuges,
qu'on appelle aujourd'hui guérilla et qui, de tout temps, sut faire échec
aux armées les plus puissantes. Il devient vite la terreur des occupants qui
l'ont surnommé « le Dogue noir de Brocéliande ».
Ces débuts épiques ont mené du Guesclin vers la gloire. A trente-sept ans,
le voilà chevalier, seigneur de la Motte Broons, capitaine ... Elles sont
loin les années de maquis, mais les Anglais craignent plus que jamais ce petit
homme « de grosse et rude taille » dont le nom devient célèbre dans toute
la France. Il reste le plus sûr atout du Dauphin (futur Charles V), qui a
pris la régence du royaume en l'absence de son père, le roi Jean le Bon, retenu
prisonnier à Londres.
L'Anglais n'accepte de restituer son otage que contre espèces sonnantes et
trébuchantes. De plus, il en profite pour accuser Bertrand de trahison et
demande un duel, pour le soumettre au jugement de Dieu ... histoire de prouver,
par la même que le Breton n'est pas si invincible que cela ! La place du Marché,
à Dinan, est alors transformée en champs clos où vont s'affronter les deux
adversaires, pour la plus grande joie des populations avoisinantes. On a confiance
en Bertrand qui a déjà fait mordre la poussière à tant d'Anglais ... mais
cette fois, il a affaire à forte partie : Thomas de Canterbury est renommé
pour sa puissance au combat.
Aussi est-ce avec un rien d'inquiétude que l'on voit pénétrer en lice un Bertrand
portant sur son armure la tunique aux couleurs des Du Guesclin : aigle noir
à deux têtes sur fond blanc barré d'une diagonale rouge. Les deux chevaliers
jettent leurs destriers l'un contre l'autre, et bientôt jaillissent des étincelles
dans le fracas des épées contre les armures et les écus. Bertrand tombe à
terre, au grand dam de la foule anxieuse ; Sans attendre qu'il se relève,
Canterbury pousse son cheval à la charge. Mais le Breton a tout de même eu
le temps d'envoyer promener une partie de son lourd harnachement, ce qui le
rend plus libre de ses mouvements. Il désarçonne son adversaire qui n'en peut
plus, lui ôte son heaume et commence à l'assommer de ses mains gantées de
fer. C'en est fini du présomptueux.
Les années passent : Bertrand n'a pas le temps de s'occuper de lui-même. Plusieurs
fois fait prisonnier par les anglais, il a dû payer rançon pour être libéré
; mais il a aussi délivré Rennes, Melun, Ploërmel, ce qui lui vaut d'être
nommé gouverneur de Pontorson par le Dauphin. Voilà Du Guesclin seigneur en
son château, capitaine souverain pour le duché de Normandie, vassal mais aussi
ami personnel du Duc de Bretagne. Et c'est cet ami haut placé qu'il prie d'intervenir
pour réaliser son alliance avec Tiphaine Raguenel.
La famille de la jeune fille est flattée d'une telle demande : voilà où sa
bravoure a mené le petit Breton ! Et Tiphaine « au clair visage » se prend
à aimer celui qui veut conquérir la gloire pour ses beaux yeux. Mais, dans
les semaines qui précèdent son mariage, Bertrand est donné en otage par son
suzerain aux Anglais, en gage d'une nouvelle trêve. Bertrand n'accepte qu'à
condition d'être libéré au bout d'un mois : il est bien décidé à ne laisser
aucun impératif, royal ou pas, empiéter sur sa vie privée. Cependant, le mois
écoulé, son geôlier, Guillaume Felton, refuse de le laisser partir. Comme
il a tout de même droit aux promenades à cheval, Bertrand en profite un jour
pour lancer sa monture au triple galop et ainsi s'échapper. Cette fois, c'est
pour lui-même qu'il se hâte : sa bien-aimée l'attend ; il lui tarde de la
revoir enfin, celle qui lui est restée fidèle des années durant, sûre qu'elle
serait un jour sa femme.
Les noces sont célébrées en grande magnificence à Dinan, au milieu d'une liesse
indescriptible : Bertrand du Guesclin est si populaire ! Toute la noblesse
de Bretagne est également présente. Puis Bertrand à Auray doit prêter main
forte à son suzerain, le duc de Bretagne. Le résultat ne se fait pas attendre
: l'armée est défaite, le duc tué et Bertrand prisonnier après, il est vrai,
s'être battu furieusement ; il a tout de même fini par céder aux injonctions
de son vainqueur : « Messire Bertrand, au nom de Dieu, rendez-vous ! Vous
voyez bien que la journée n'est pas vôtre! »
Mais, les lois de la chevalerie ont parfois de quoi vous mettre du baume au
cœur : en s'engageant sur l'honneur à ne point reprendre le combat que lorsqu'il
aura entièrement acquitté sa rançon, Bertrand est mis en liberté provisoire
et peut donc rejoindre sa femme à Pontorson.
L'inactivité
forcée de son mari aurait pu être une aubaine pour la jeune femme, mais elle
a assez de cœur pour ne pas se réjouir trop fort : après tour, il est malheureux
de ne pouvoir voler au secours de son roi qui en a pourtant bien besoin. Bertrand
est prisonnier en son propre château et, pour Tiphaine, la gloire de son seigneur
compte plus que son propre bonheur.
Finalement, c'est le roi Charles V, le Sage, qui paiera la dette de son fidèle
vassal. Un mois plus tard, Bertrand a levé son armée ; il peut donc partir
à la conquête de la France. Tiphaine lui donne sa bénédiction : « Sire, par
vous ont été faits commencés, et par vous seulement, en nos jours, doit être
France recouvrée. »
Il se trouve en Poitou lorsqu'il apprend qu'elle est morte, dans l'isolement,
comme elle a vécu, discrète compagne d'un homme qui était parti à la conquête
de la gloire pour que l'on oublie sa laideur. Du Guesclin lui survivra sept
ans, volant de victoires en triomphes pour s'éteindre quelques semaines seulement
avant son roi, Charles V. Le 13 juillet 1380 à Châteauneuf-de-Randon en Auvergne.
Il fut emporté par la maladie pendant le terrible siège de la ville. A l'expiration
de la trêve, le gouverneur de la ville vint symboliquement déposer les clefs
de la cité sur son cercueil.
De Tiphaine, Guyard de Berville a dit qu'elle fut une incomparable femme,
« dont le plus grand éloge est d'avoir été digne de Bertrand du Guesclin,
comme il était le seul digne d'elle. »