Conversion de Clovis au catholicisme


La conversion de Clovis est un des faits capitaux de notre histoire. Elle a pesé d'un poids lourd sur le destin de la France. Les Saliens étaient demeurés païens: La génération qui a précédé celle de Clovis pratiquait le culte des idoles. Mais il s'est montré indulgent pour ces Francs adorateurs de faux dieux, beaucoup plus que pour d'autres peuples barbares, Vandales, Goths, Burgondes, qui, convertis au christianisme de longue date, avaient embrassé l'arianisme. C'est surtout sur les Wisigoths que s'est acharné l'évêque de Tours, parce que ceux-ci, maîtres de l'Aquitaine avant la conquête de Clovis, ont laissé de mauvais souvenirs tant dans son diocèse qu'en Auvergne, berceau de sa famille.

Clovis, qui était païen, avait été invité de bonne heure par sa femme à adopter la religion catholique. Clotilde était une princesse burgonde. Le roi Gundioch, son grand-père, avait eu plusieurs fils, qui, selon la coutume germanique, devaient se partager le royaume après sa mort. Deux d'entre eux, Gondebaud et Godegisèle, jugèrent expédient de se débarrasser de leur frère Chilpéric. Ils l'égorgèrent, puis le noyèrent. Le crime commis, ils éloignèrent leurs deux nièces qui s'étaient converties au catholicisme. L'une d'elles était Clotilde. Sa beauté provoqua l'admiration d'ambassadeurs que Clovis avait députés en Bourgogne. Ils la firent présenter à Clovis, qui s'enflamma pour la jeune fille. Le roi franc la demanda en mariage à Gondebaud, oncle de Clotilde, qui n'osa la refuser. Transporté de joie, Clovis l'épousa. II est probable que, très épris de sa femme, qui était une catholique fervente, il écoutait volontiers ses exhortations.

II laissa baptiser les deux premiers enfants qu'elle lui donna, Ingomer et Clodomir. Le premier mourut aussitôt après avoir reçu le sacrement; mais, quoique Clovis, dans sa douleur, eût prétendu que l'enfant aurait survécu s'il avait été voué aux dieux des Francs, il n'empêcha pas sa femme de faire administrer le baptême au cadet. Cependant, ce que Clotilde souhaitait le plus vivement, c'était la conversion de son mari. Elle ne cessait de le sermonner pour lui faire connaître le vrai Dieu et abandonner les idoles. Ses instances étaient pressantes et cela même rend vraisemblable l'appel au Dieu de Clotilde que Clovis aurait lancé, dans une minute d'angoisse pendant la bataille contre les Alamans, son vœu d'abjurer les faux dieux s'il remportait la victoire.

Clotilde ne laissa pas échapper l'occasion qui s'offrait à elle d'amener son époux au vrai Dieu. Elle s'y employa avec une adresse féminine. Elle fit venir en secret saint Remi, évêque de Reims, et le supplia d'insinuer dans l'esprit du roi la parole du salut. Clovis était un homme fruste; il écouta volontiers le prélat et se laissa convaincre. La seule objection qu'il fit à saint Remi fut de caractère politique. II avoua qu'il redoutait une révolte de son peuple, resté païen, si lui-même abandonnait les dieux de la nation franque.

Le baptême eut lieu un jour de Noël à Reims, qui était alors un des grands carrefours de la Gaule, et dont l'église, fondée à la fin du IIIe siècle, était l'une des plus anciennes du nord de notre pays. Le sacrement fut administré, selon le rite en usage à cette époque, dans la vaste piscine d'un baptistère. Le roi Clovis fut le premier à recevoir le baptême du prélat.

Les motifs qui ont déterminé la conversion de Clovis ont-ils été aussi purs que l'ont prétendu les hommes de son temps ? On peut en douter. En abjurant le paganisme pour le catholicisme, alors que tous les autres rois barbares étaient ariens, Clovis a réussi à capter la confiance de l'épiscopat de la Gaule, la seule puissance qui fût alors agissante et influente. Nous verrons le profit qu'il en tirera le jour où il se décidera à attaquer les Wisigoths. II est donc invraisemblable que, sourd aux exhortations journalières de Clotilde, il ait attendu jusqu'aux dernières années de son existence pour accomplir un acte d'une si haute portée politique.

Les conséquences de la conversion de Clovis ont été prodigieuses. Il est devenu le nouveau Constantin. L'Église et la population gallo-romaine l'ont adopté. La royauté franque a été légitimée par son adhésion au catholicisme. Ses rois ont cessé d'être des usurpateurs. En face des autres monarchies barbares attachées à l'arianisme, qui ont disparu les unes après les autres, elle est demeurée solide, quoique les mérites des princes de la dynastie mérovingienne ne leur aient nullement acquis cette faveur. On a pu dire que Clovis a préparé Charlemagne. Toute paradoxale qu'elle paraisse, la formule renferme une âme de vérité. Sans la conversion de Clovis, l'empire franc eût été irréalisable.