Clovis et les Alamans
Par
sa victoire sur Syagrius, Clovis s'est rendu maître du pays qui s'étend
de la Somme à la Seine. Cette victoire a eu lieu pendant la cinquième
année de son règne (486). Les dix années qui ont suivi
restent les plus obscures de sa carrière. Au lieu de poursuivre sa marche
sur le Midi, Clovis jugea prudent de se protéger à l'est. D'autres
nations germaniques s'étaient, en effet, établies le long du Rhin,
rivales inquiétantes qu'il convenait d'absorber ou, tout au moins, d'affaiblir.
Clovis a inauguré une politique audacieuse, que suivront ses successeurs
mérovingiens et carolingiens. Elle consistera, après avoir conquis
l'Occident, à se retourner vers la Germanie pour assimiler l'Europe centrale.
Clovis commença par soumettre les Thuringiens du bas Rhin; il annexa
plus tard, peut-être seulement vers la fin de son règne, le royaume
des Francs Ripuaires, qui, depuis 406, s'étaient installés dans
la région de Cologne et progressivement avancés jusqu'au nord
de l'Alsace. Mais, surtout, il prépara l'absorption dans l'État
franc de la puissante nation des Alamans en remportant sur ce peuple redouté
une victoire qui est restée célèbre.
Les Alamans, qui ont donné leur nom à l'Allemagne, sont apparus dans l'histoire au IIIe siècle; ils formaient alors un rameau du peuple suève. Les grands empereurs du IVe siècle ont souvent lutté contre cette nation belliqueuse, installée dans la Gaule orientale. A la fin du Ve siècle, les Alamans occupaient l' Alsace et une partie de la cité de Bâle. Ce peuple redoutable et aventureux cherchait à s'étendre sur les deux rives du Rhin. Devenus maîtres de Spire, de Worms et de Mayence, ils se heurtèrent d'abord aux Ripuaires, pénétrèrent dans leur territoire et les battirent à Zulpich, près de Cologne. C'est la prétendue bataille de Tolbiac. Les historiens modernes ont confondu cette rencontre, où le roi des Ripuaires, Sigebert, fut battu et blessé à un genou, ce qui le rendit boiteux, avec le combat postérieur de quelques années qui mit aux prises Clovis et les Alamans, mais dont le théâtre est resté inconnu.
Nous ignorons aussi la cause du conflit, mais on la devine. Rivalité d'influence entre deux peuples que commandaient des rois également ambitieux. La victoire fut chèrement disputée; un moment même, Clovis douta du succès. Il finit par l'emporter, et le roi des Alamans périt dans la mêlée. Grégoire de Tours la place dans la quinzième année du règne de Clovis, c'est-à-dire en 496. La date est mémorable à cause d'un incident miraculeux, qui aurait marqué la bataille et que l'évêque historien a raconté tout au long. C'est celui du va:u formé par Clovis qui, voyant son armée menacée d'extermination, aurait renié ses dieux et invoqué celui des chrétiens en lui promettant de se convertir au catholicisme si la victoire lui était accordée.
Comme il disait ces mots, ajoute Grégoire de Tours, les Alamans tournèrent
le dos et commencèrent à fuir. Voyant leur roi tué, ils
se rendirent à Clovis en disant: " Ne laisse pas périr notre
peuple, de grâce! Nous t'appartenons désormais. " Clovis arrêta
alors le combat; il harangua les troupes et, lorsqu'il fut rentré, la
paix conclue, il raconta à la reine qu'il avait mérité
d'obtenir la victoire en invoquant le nom du Christ. Cela eut lieu pendant la
quinzième année de son règne.