Les fils de Clovis


Partage du royaume entre les fils de ClovisEn mourant, Clovis laissait quatre fils; l'aîné, Thierry, était né hors mariage; les trois autres, Clodomir, Childebert et Clotaire, avaient pour mère la reine Clotilde. Ils partagèrent le royaume comme un bien de famille. Les fils de Clovis se montrent tels qu'ils étaient, égoïstes, cruels, cupides et souvent lâches. Seule, leur mère Clotilde conserve quelque grandeur d'âme. Implacablement attachée à ses souvenirs d'enfance, elle pousse ses enfants à venger les meurtres de son père et de sa mère, et à entreprendre une guerre contre les Burgondes. Sa fierté se manifeste encore avec plus d'allure après la mort de Clodomir (524), dans une sombre tragédie de famille où deux de ses petits fils trouvèrent la mort.

Grégoire de Tours raconte que la reine Clotilde, qui demeurait à Paris, affectionnait d'un amour exclusif les enfants, orphelins et encore en bas âge, de son fils Clodomir. Childebert était jaloux d'eux et il complota avec son frère Clotaire pour les faire disparaître. Les deux rois se firent livrer traîtreusement les enfants, puis ils envoyèrent chez la veuve de Clovis un émissaire, le sénateur Arcade, avec des ciseaux et une épée. Ce personnage demanda à Clotilde quelles étaient ses volontés: voulait-elle qu'ils vécussent avec les cheveux coupés ou qu'on les étranglât tous les deux ? Outrée de fureur et ne sachant plus ce qu'elle disait, elle déclara: " S'ils ne doivent pas être élevés sur le trône, je préfère les voir morts que tondus. "

Implacables, ses fils la prirent au mot. Après leur exécution, accomplie de sang froid, Clotaire monta à cheval et s'en alla sans que le meurtre de ses neveux le troublât. Childebert se fixa dans les faubourgs de la ville. Quant à la reine, elle fit déposer les deux petits corps dans un cercueil et les accompagna, suivie d'un immense cortège de deuil, jusqu'à la basilique de Saint-Pierre (sur la montagne Sainte-Geneviève) où elle les ensevelit ensemble. L'un avait dix ans, l'autre sept ans.

Childebert, intrigant et lâche; Clotaire, insensible et féroce. En dépit d'une inhumanité sans excuses, ces rois avaient des accès puérils de piété, parce qu'avec leur conception barbare de la religion ils croyaient pouvoir racheter leurs crimes par des dons aux églises. Childebert a fondé le monastère de Saint-Germain-desPrés pour abriter la tunique de saint Vincent rapportée d'Espagne. Clotaire, qui avait sa capitale à Soissons, est parti pour Saint-Martin de Tours en pèlerinage quand il s'est senti atteint de la maladie dont il est mort (561).

Partage du royaume entre les fils de ClovisLeur frère aîné, Thierry, ne valait guère mieux qu'eux. Jaloux de Clotaire, il tenta de le tuer pendant une expédition en Thuringe. Il le fit venir dans son palais et, pour dissimuler son projet criminel, il fit placer à l'intérieur de la maison une tenture, derrière laquelle il posta des hommes en armes chargés de perpétrer l'assassinat. Mais la tenture, trop courte, ne suffit pas à dissimuler les pieds des hommes. Démasqué, Thierry feignit d'avoir invité son frère pour lui faire cadeau d'un magnifique plat d'argent. Mais, aussitôt après, il regretta sa générosité forcée et réussit à recouvrer l'objet qu'il venait de donner. Pour faire des tours de ce genre, Thierry était très malin.

Le royaume des Francs légué par Clovis n'ait pas sombré, au contraire il ait grandi sous le gouvernement de ses fils. Clovis avait hésité à attaquer les Burgondes. La rancune de Clotilde jeta sur eux ses fils (523), mais une première campagne échoua. Elle fut marquée par une de ces vilenies trop nombreuses, qui ont souillé les temps mérovingiens. Le roi Burgonde Sigismond, fils de Gondebaud, fut fait prisonnier par le roi Clodomir, qui l'assassina en le jetant dans un puits avec tous les siens. Un tel forfait inspire de la pitié pour les victimes; mais on est moins enclin à plaindre le roi Burgonde quand on sait que lui-même avait étranglé un de ses fils pour faire plaisir à sa seconde femme.

La campagne des Francs se termina par un désastre à Vézeronce (Isère), où Clodomir, battu par le successeur de Sigismond, périt sur le champ de bataille. Mais, dix ans plus tard, les Francs prirent leur revanche et le royaume des Burgondes fut alors définitivement annexé au leur (534). Le puissant roi des Ostrogoths, Théodoric, maître de l'Italie, était mort depuis huit années (526). La faiblesse de ses successeurs permit au fils de Thierry, le jeune et remuant Théodebert, d'occuper aussi la Provence. Sa conquête facilita aux Francs l'accès à la Méditerranée, et les conflits que provoqua chez les rois le désir de posséder le port de Marseille, d'autres témoignages non moins significatifs, prouvent l'importance de ce nouvel accroissement.

L'extension du royaume franc en Germanie a été encore plus prodigieuse. Thuringiens, Bavarois, Suèves, ont été soumis par les descendants de Clovis, et la victoire de ces rois les a amenés jusqu'aux frontières de la Saxe et de la Pannonie.