La loi salique


La plus célèbre des lois barbares est la loi salique. Son texte primitif, qui comprend soixante-cinq titres, est écrit en latin barbare et date du règne de Clovis. Il se présente comme un tarif minutieux de compositions pécuniaires (wergeld) sanctionnant les délits les plus variés. Leur paiement évitait aux coupables des peines corporelles. Le mécanisme de la procédure nous est révélé par le titre 58, qui mérite d'être reproduit entièrement, parce qu'il jette un jour curieux sur la solidarité qui existait entre tous les membres d'une famille franque

" Lorsqu'un homme en a tué un autre et que l'abandon par lui de toute sa fortune ne suffit pas à payer la composition légale, il doit fournir douze cojureurs pour attester qu'il n'a pas sur terre ni sous terre d'autres biens que ceux qu'il a déjà donnés. Ensuite, il entrera dans sa maison et, aux quatre coins, il ramassera de la terre dans son poing, puis il se placera sur le seuil en regardant l'intérieur de sa maison et de là il jettera avec sa main gauche de la terre par-dessus ses épaules sur son parent le plus proche. Si son père et ses frères ont déjà payé, il jettera cette terre sur les personnes de sa famille, à savoir sur ses trois parents les plus proches du côté maternel et aussi sur les trois plus proches du côté paternel. Ensuite, vêtu d'une chemise, sans ceinture et déchaussé, il devra, un bâton à la main, franchir la haie pour indiquer que les trois membres d'une branche paieront la moitié de ce qui reste dû pour sa composition. Les autres qui appartiennent à la branche paternelle devront faire la même chose.

" Toutefois, s'il y a parmi eux quelqu'un qui soit trop pauvre pour payer entièrement ce qu'il doit, cet homme trop pauvre jettera de la terre sur quelque autre ayant plus de biens pour que celui-ci paie tout ce qui est dû. Mais si ce dernier aussi n'a pas de quoi tout payer, alors celui qui a"la garde du meurtrier le présentera au prochain " mall " et le représentera de même à quatre " malls " successifs. Mais si personne ne veut le prendre en charge, c'est-à-dire le racheter en réglant sa composition, alors il paiera de sa vie. "

Le mall ( mallum ) où se déroulait cette procédure était un tribunal local que présidait un personnage appelé thunginus ou centenier. Ce thunginus administrait la justice, assisté de jurés, les rachimbourgs ou bons hommes. Cette organisation judiciaire était très différente de celle qui existait sous le Bas-Empire, où la justice était rendue par des magistrats.
Dans les anciens royaumes des Wisigoths et des Burgondes, des codes composés d'extraits des lois romaines ont été rédigés pour les indigènes gallo-romains. Grâce à ces compilations, la connaissance et l'usage du droit romain se sont mieux conservés dans le midi que dans le nord de la Gaule, où la loi salique jouissait d'un grand prestige. C'est l'une des causes, et la plus lointaine, de la distinction qui a existé pendant tout le moyen âge entre les pays de droit coutumier et ceux de droit écrit.