Ebroïn et saint Léger


Le successeur d'Erchinoald se nommait Ebroïn; il a tenu la scène pendant près de vingt ans. C'est le plus célèbre des maires du palais de Neustrie; mais nous le connaissons mal. A travers le laconisme des chroniqueurs d'un siècle déshérité, il apparaît comme un homme de caractère tyrannique, violent et égoïste. Il est le véritable maître du royaume. Les rois ne sont plus que des fantoches et, on les ignorerait complètement si l'habitude ne s'était conservée dans les chancelleries de rédiger les diplômes en leur nom et de dater, tous les actes par les années de leur règne.

On ne sait rien des premières années du gouvernement d'Ebroïn, sinon qu'il se rendit, vite insupportable. Un complot fut tramé contre lui par les grands de Neustrie et de Bourgogne. Il fut tondu et enfermé dans le monastère de Luxeuil. Pour le remplacer, on fit appel au roi d' Austrasie Childéric II et à son maire du palais, Goufaud (673). Mais, deux ans plus tard, Ebroïn, , qui avait laissé repousser sa chevelure, s'échappa de son couvent. Un fils d'Erchinoald, Leudesius, l'avait remplacé comme maire du palais de Neustrie. Ebroïn se débarrassa de lui et, redevenu maître du royaume, assouvit sa vengeance sur ses adversaires. Les contemporains d'Ebroïn ont surtout conservé le souvenir, de l'évêque d'Autun, Léger, à qui Ebroïn fit subir d'atroces supplices.

Léger eut les yeux crevés; on le fit marcher dans une piscine: dont le fond était semé de pierres tranchantes, puis on lui taillada les joues et on lui coupa la langue et les lèvres. Léger survécut deux ans à ces atroces mutilations; on finit par lui trancher la tête, après un simulacre de condamnation (3 octobre 679). Ce cruel martyre a valu à Léger d'être mis sur les autels et il est devenu un saint très populaire. Plusieurs monastères se sont disputé l'honneur de posséder son chef: ceux de Saint-Vaast d'Afras, Murbach, Jumièges, Maymac, ainsi que l'église Saint-Léodegar de Lucerne, qui prétendait conserver le crâne: et deux dents du saint.

Les haines qui s'étaient accumulées contre Ebroïn ne s'étaient pas atténuées. Elles s'avivèrent, au contraire, lorsqu'il eut repris sa fonction de maire du palais de Neustrie. Les grands austrasiens étaient ses adversaires les plus implacables et cherchaient à l'écraser.