Avènement des Pippinides


L'un d'eux, Pépin le Jeune, était à' l'affût. C'était le descendant des deux plus puissantes familles d' Austrasie. Son père, Ansegisel, était le fils du célèbre évêque de Metz saint Arnoul. Quant à sa mèreBige, elle était la fille de Pépin de Landen. Grâce à l'immense fortune héritée de leurs parents, Pépin le Jeune, et son frère Martin " dominaient " en Austrasie. Animés de haine contre Ebroïn, ils mobilisèrent une nombreuse armée, composée d'Austrasiens, contre le roi Thierry III et Ebroïn. Mais l'offensive échoua, et leur armée essuyai un échec sanglant au Bois-du-Fays, près de Laon. Tandis que Pépin prenait la fuite, son frère Martin s'enfermait dans la citadelle de Laon.

Ebroïn lui dépêcha des députés, qui lui proposèrent de le conduire auprès du roi Thiery en s'engageant par serment à ne pas attenter à ses jours. Ils l'emmenèrent à la villa d'Écry, aujourd'hui Asfeldt, sur les bords de l' Aisne, où résidait Ebroïn et, sitôt qu'ils y arrivèrent, ils l'assassinèrent. Ils se justifièrent de leur parjure en disant que leur serment, ayant été prononcé sur une châsse vide de reliques, était nul. Petit fait qui nous donne une idée de l'état pitoyable de la moralité publique au VIIe siècle.

La défaite austrasienne encouragea Ebroïn; sa tyrannie devenait de plus en plus insupportable, quand un Franc nommé Ermeufroy l'assassina. Du coup, la situation se renversa. Les successeurs d'Ebroïn n'avaient pas son énergie. Waratton nous est représenté comme un maire du palais pacifique, Berchier comme un petit homme peu intelligent. Les grands, mécontents, se tournèrent vers Pépin le Jeune, qui saisit l'occasion de prendre sa revanche. Avec ses Austrasiens, il marcha contre le roi Thierry III et le maire du palais neustrien Berchier, et les battit à Tertry en Vermandois (687).

Certains historiens modernes considèrent qu'avec cette bataille s'achève l'histoire des rois mérovingiens. Ceux-ci continuent à résider en Neustrie, dans la région parisienne, dans le pays qui deviendra l'Ile-de-France, mais ils n'ont plus à leur côté un maire du palais influent, car il n'y en a plus qu'un seul qui compte, et c'est celui d'Austrasie : ce maire du palais est Pépin d'Héristal. On a pris l'habitude d'ajouter au nom de ce personnage celui d'un grand domaine, situé dans la banlieue de la ville de Liège, sur les bords de la Meuse, où il résidait habituellement.

La nouvelle dynastie, dont Pépin le Jeune a été le fondateur véritable tout en refusant de prendre le titre de roi, est une dynastie austrasienne. La langue maternelle de Charlemagne sera la langue germanique. La Neustrie ne redeviendra définitivement le centre du royaume de France que lorsque les ducs de France, les Capétiens, monteront sur le trône.

Avec Pépin le Jeune, la Gaule cesse d'être le théâtre de luttes intestines; elle a retrouvé, comme sous Dagobert, un chef qui regarde au-delà des frontières. Il refoule les Frisons, dont le roi Radbod était encore païen. Il rétablit la domination franque en Bavière et poursuit la conversion du pays au christianisme. Un évêché est créé à Salzbourg. C'est déjà la politique de Charlemagne, qui associera l'évangélisation à la conquête.

L'installation au pouvoir des Pippinides faillit toutefois être compromise par la mort de Pépin d'Héristal (714), qui avait occupé le pouvoir pendant vingt-sept ans. Ses deux fils légitimes, Drogon et Grimaud, l'ayant précédé dans la tombe, il laissa en mourant une veuve nommée Plectrude et trois petits-fils. Les Neustriens profitèrent de sa disparition pour se révolter et se choisir un maire du palais énergique, Rainfroi, qui n'hésita pas à s'allier au roi frison, le païen Radbod. La dynastie des Pippinides aurait sombré sans l'intervention d'un fils naturel de Pépin, qui était né d'une concubine nommée Aupaïs.

La marâtre de Charles Martel, Plectrude, l'avait enfermé; mais il réussit " avec le secours du Seigneur " à s'évader. Il s'attaqua aux révoltés, à Rainfroi et à un Mérovingien authentique ou faux, nommé Daniel, ancien clerc que les Francs avaient tiré du couvent et qu'ils avaient fait roi sous le nom de Chilpéric II après que ses cheveux eurent repoussé. Après un grave échec, Charles Martel se ressaisit; il se jeta sur ses ennemis et les battit une première fois au lieu d' Amblève, près de Liège. Une seconde victoire acheva la déroute de Rainfroi et de Chilpéric II. Elle eut lieu le 21 mars 718, à Vinchy, près de Cambrai.

Avec cette victoire commence le règne des Pippinides. Charles Martel hissa encore sur le trône, en 721, un Mérovingien, Thierry IV, parce qu'il se refusa pendant tout son règne à prendre le titre de roi, de même qu'en 741 ses fils Pépin et Carloman donneront aux Francs, comme don de joyeux avènement, le dernier des Mérovingiens, Childéric III; mais ce ne sont plus que des fantômes.