Les premiers Mérovingiens
Il est temps d'aborder l'histoire du peuple qui a donné
son nom à notre patrie et qu'une conquête aussi rapide qu'inattendue
a rendu maître, en moins de trente années, de la plus grande partie
de la Gaule. La petite nation des Francs Saliens nous est apparue pour la première
fois en 358, vers les embouchures du Rhin et de la Meuse. Ces Saliens résidaient
alors en Toxandrie en qualité de sujets de l'Empire, c'est-à-dire
de fédérés. Ils ont ensuite progressé malgré
les obstacles qu'ils rencontrèrent sur leur route, obstacles naturels
comme la forêt Charbonnière, obstacles humains comme les fortifications
élevées par les Saxons sur la côte du Boulonnais, et ils
ont fondé un premier royaume dont le centre était Thérouanne.
Le pays où ils s'étaient fixés était peu peuplé,
c'étaient les plaines de la Flandre; ils y " fondèrent la
race flamande de type blond, aux yeux bleus et à stature élevée
". La progression prit ensuite le caractère d'une conquête,
lorsque les Francs Saliens avancèrent dans une région qu'habitait
une population gallo-romaine plus dense.
Leurs premiers rois font leur entrée dans l'histoire vers le premier
tiers du Ve siècle. Le caractère mythique de Pharamond, qui jadis
était cité comme le premier des Mérovingiens, n'est plus
contesté par personne. Ce personnage imaginaire est mentionné
pour la première fois dans une chronique écrite au VIlle siècle
par un moine de Saint Denis, qui, pour flatter la vanité de ses contemporains,
a fait de Pharamond un gendre du roi troyen Priam. Le nom même est singulier,
puisqu'il est formé de la composition de deux noms communs germaniques:
fara et mund. Pharamond, c'est le protecteur du clan.
Si Pharamond n'a jamais existé, Clodion est un personnage historique.
C'était un chef de bande hardi, qui a entraîné ses compatriotes
dans la voie de la conquête. Il écrasa les Romains et s'empara
de la ville de Cambrai; mais il n'y demeura que peu de temps, pour occuper ensuite
tout le pays jusqu'à la Somme. Clodion est la forme abrégée
de Clovis. C'est le premier roi mérovingien de qui l'existence soit assurée.
On n'ose en dire autant de celle de Mérovée, et Grégoire
de Tours lui-même, qui était crédule mais prudent, la considère
comme problématique. Une légende fabuleuse circulait sur sa naissance.
On
raconte, dit un chroniqueur du VIle siècle, que Clodion résidait
avec sa femme sur le bord de la mer pendant la saison d'été. Or,
tandis que celle-ci était allée se baigner à midi dans
la mer, une bête de Neptune, semblable à un Minotaure, se jeta
sur elle. Comme dans la suite elle était devenue enceinte soit de la
bête, soit de son mari, elle enfanta un fils nommé Mérovée,
à qui les rois des Francs ont emprunté le nom de " Mérovingien
".
Il faut rayer de la liste de nos rois cet enfant adultérin d'un monstre
et d'une reine. Sans doute Mérovée a-t-il été imaginé
pour expliquer le nom de la première dynastie royale. Des légendes
enveloppent encore celui que les anciens historiens nous présentent comme
son fils : Childéric 1er, père de Clovis (457-481). Sous son règne,
la progression des Francs Saliens a marqué un temps d'arrêt. Childéric
1er a laissé une mauvaise réputation. Les Francs lui reprochaient
de déshonorer leurs filles. Si nous en croyons la légende, ils
l'exilèrent pour ce motif et choisirent comme roi le maître de
la milice de l'Empire, le Gallo-Romain Egidius; mais au bout de huit années
les Francs, qui étaient inconstants, rappelèrent leur compatriote.
Childéric, qui était un séducteur, avait conquis pendant
son exil les bonnes grâces d'une reine nommée Basine. Lorsqu'il
rentra en Gaule, celle-ci abandonna son mari, Basin, et son pays, la Thuringe,
pour ne pas quitter son amant. Childéric, plein de joie, l'épousa
et un fils, qui fut appelé Clovis, naquit de leur union. Le prestige
prodigieux dont a joui ce grand roi exigeait que ses parents fussent tous deux
de sang royal.
En réalité, le document le plus authentique que nous possédons
sur Childéric Ier est son tombeau, découvert en 1653 à
Tournai, où il est mort (481). On y a trouvé le roi vêtu
d'un costume d'apparat, avec des armes, des bijoux, quatorze pièces d'or,
la plupart à l'effigie de l'empereur d'Orient Zénon, son contemporain.
Un anneau sigillaire, avec la légende Childerici regis (Childéric
roi), a permis de l'identifier.