L'installation des Wisigoths et des Burgondes

 

Installation des Wisigoths dans le sud-ouest de la Gaule:

Couronnes d'or dites "des Wisigoths"Parmi les peuples barbares qui ont le plus efficacement concouru à la décomposition du monde romain, l'un des plus redoutables a été la nation gothique. Originaires de Scandinavie, les Goths ont fini par s'établir à la fin du III siècle, après de longues migrations, dans un vaste secteur de l'Europe centrale compris entre le Don et le Danube. Ils sont alors divisés en deux branches, les Ostrogoths, qui ne sont pas les Goths de l'est, mais les Goths brillants (austri), et les Wisigoths, les Goths sages (weisen) et non les Goths de l'ouest; mais cet établissement 'était que provisoire, et, sous la menace des Huns, la masse des Goths chercha un nouveau refuge plus sûr à l'intérieur de l'Empire romain. Bien que sanctionnée par un traité, cette immigration a été catastrophique pour Empire. Le désastre d'Andrinople (378), où l'empereur Valens trouva la mort, eût dû dessiller les yeux de ceux qui avaient accueilli ces dangereux Barbares. La terrible leçon ne profita pas à l'empereur Théodose, qui accepta incorporation de la nation wisigothique dans les armées romaines. En injectant dans l'Empire le " poison gothique ", Théodose préparait de cruels lendemains à son successeur. Alaric et ses Wisigoths ont été pendant plusieurs anées, pour son fils Honorius, des alliés encombrants et redoutables.
Après la mort d'Alaric (410), la nation errante des Wisigoths poursuivit pendant plusieurs années sa course vagabonde dans le sud de la Gaule, puis en Espagne. Brusquement, l'empereur Honorius la rappela, mais ce fut pour l'installer dans la province de Bordeaux, la Deuxième Aquitaine, c'est-à-dire dans la région qui s'étend entre Toulouse et l'Océan, et dont la fertilité était alors proverbiale. Le régime qu'on appliqua fut celui de l'hospitalité, c'est à redire que les grands domaines, qui, sous le Bas-pire, étaient nombreux, furent partagés entre les propriétaires indigènes et les fédérés barbares. Cantonnés dans un pays riche dont la défense leur était confiée, les Wisigoths cessent d'être une horde errante pour redevenir peuple sédentaire. Mais un tel établissement n'était pas sans dangers.
Certes, le roi des Wisigoths Wallia, qui avait traité avec Honorius, n'avait pas l'arrière-pensée d'attaquer l'Empire et, même si nous ajoutons foi à un propos rapporté par Paul Orose, qui prétendait le tenir de source sûre, l'un des prédécesseurs de Wallia, le roi Athaulf, aurait été un ferme partisan de la collaboration avec le gouvernement impérial. Après avoir aspiré à faire de tout le territoire romain un empire gothique, il aurait renoncé à cette ambition parce qu'il jugeait ses compatriotes trop barbares et qu'il préférait figurer, aux regards de la postérité, comme restaurateur d'un empire romain qu'il ne pouvait abolir. se faisait même une gloire d'accomplir cette oeuvre réparatrice avec le concours des Goths.
L'illusion fut de courte durée. En fixant la nation orgueilleuse des Wisigoths sur un morceau de terre gauloise, l'empereur Honorius offrait à leur cupidité une base territoriale et il était à prévoir qu'ils chercheraient à accroître aux dépens du grand empire sans défense.
Si le chef Wallia avait reçu un commandement dans l'armée romaine lorsque Honorius l'avait installé en Aquitaine, il n'oubliait pas qu'il était avant tout le roi Wisigoths. Cette redouble face du pouvoir des chefs barbares a la valeur d'un symbole. Sous le masque d'une collaboration, la barbarisation de l'empire s'accomplissait tant plus efficacement qu'elle était plus insinuante.

 

 

Installation des Burgondes dans le sud-est de la Gaule:

Les Wisigoths n'ont pas été la seule nation germanique à prendre pied en Gaule. Les Burgondes, qui étaient des Germains orientaux, avaient émigré vers le Rhin au IV siècle. Ils s'établirent sur ses bords à l'époque de la grande invasion de 406, puis profitèrent de la trouée faite par les Vandales et les Alains pour pénétrer sur la rive gauche et se rendre maîtres de Worms; il semble qu'ils aient ensuite remonté ]e fleuve pour chercher à occuper la Séquanie, c'est-à-dire la Franche-Comté. Entreprise malheureuse, car le patrice romain Aétius lança contre eux des hordes de Huns qui étaient à sa solde et qui les massacrèrent (436). Leur roi, Gunther, qui est devenu l'un des héros des Nibelungen, trouva la mort dans ce sanglant carnage. Les débris de cette malheureuse nation trouvèrent ensuite un refuge en Savoie. Selon une note annalistique d'une sécheresse désespérante, ce pays fut donné en 443 aux Burgondes survivants, qui le partagèrent avec les indigènes. Cette première Savoie, qui s'étendait du lac Léman, vers le nord, aux abords de Grenoble, vers le sud, ne devait guère différer de notre Savoie moderne. Le partage s'opéra, comme pour les Wisigoths, sous le signe de l'hospitalité, c'est à dire que les fédérés Burgondes furent cantonnés à la campagne, à charge de défendre le pays.
L'établissement des Burgondes en Savoie a eu le même résultat que celui des Wisigoths dans la Deuxième Aquitaine. La zone occupée par eux s'est élargie progressivement au point de devenir un vaste royaume. Ce serait une erreur de prétendre que les Barbares ont exproprié les indigènes par la violence; il est plus exact de dire qu'ils sont devenus les maîtres politiques d'une province dont la protection leur était confiée par des empereurs devenus impuissants. D'autres nations barbares ont reçu des cantonnements en Gaule. Des Alains se sont établis dans la région de Valence ainsi que sur les bords de la Loire; mais la brutalité de ces Iraniens sauvages les rendait réfractaires au régime de l'hospitalité. Il en fut de même des Saxons débarqués dans la région de Bayeux. Les profondes transformations politiques et sociales qu'a subies la Gaule au v siècle sont dues surtout à des nations barbares dont l'installation a été régulière et apparemment pacifique. D'autres ont donné des coups de boutoir et ébranlé la structure de l'Empire, mais sans fonder d'établissements durables.